Ballade pour prier Notre Dame

Ballade pour prier Notre Dame

Dame du ciel, régente terrienne,
Emperière des infernaux palus,
Recevez-moi, votre humble chrétienne,
Que comprise soie entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
Sont bien plus grands que ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut mérir
N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse :
En cette foi je veuil vivre et mourir.

A votre Fils dites que je suis sienne ;
De lui soient mes péchés abolus ;
Pardonne moi comme à l'Egyptienne,
Ou comme il fit au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eût au diable fait promesse
Préservez-moi de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on célèbre à la messe :
En cette foi je veuil vivre et mourir.

Femme je suis pauvrette et ancienne,
Qui riens ne sais ; oncques lettres ne lus.
Au moutier vois, dont suis paroissienne,
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont boullus :
L'un me fait peur, l'autre joie et liesse.
La joie avoir me fais, haute Déesse,
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ne paresse :
En cette foi je veuil vivre et mourir.

Vous portâtes, digne Vierge, princesse,
Iésus régnant qui n'a ni fin ni cesse.
Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les cieux et nous vint secourir,
Offrit à mort sa très chère jeunesse ;
Notre Seigneur tel est, tel le confesse :
En cette foi je veuil vivre et mourir.


François Villon

jeudi 21 octobre 2010

La Ballade des Pendus



" Ballade des pendus "

Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre. 
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. 
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !


Voici une video d'une personne récitant la ballade des Pendus: 
http://www.youtube.com/watch?v=XQThin6haxo&feature=related


JA JB JFC

mercredi 20 octobre 2010

Etude sur François Villon

François Villon
(1431 - 1463)

   Issu d’une famille pauvre, François de Montcorbier, orphelin de père très jeune, fut élevé par le chanoine de Saint-Benoît-le-Bestourné, maître Guillaume de Villon, dont il prit le nom pour lui rendre hommage. Après avoir été reçu bachelier en 1449, il devint maître ès arts à Paris en 1452, où il a été envoyé par Guillaume de Villon pour accéder au statut de clerc. À part ces quelques faits sur sa jeunesse, la vie de François Villon est remplie de zones d’ombre, et les seuls indices biographiques certains dont on dispose aujourd'hui sur sa vie adulte sont d’origine judiciaire, ce qui renforce l’image de poète «!malfaiteur!» qui est la sienne depuis la fin du Moyen Âge.
   On note que cette image est aussi une tradition littéraire, dont Rutebeuf est l’un des autres exemples. La première affaire judiciaire grave dont nous ayons trace eut lieu le 5 juin 1455 : au cours d’une rixe, Villon tua Philippe Sermoise, un prêtre qui l’aurait provoqué; et dut quitter Paris, où il ne revint qu’en 1456, après avoir obtenu des lettres de rémission sous son vrai nom. Durant la nuit de Noël 1456, il commit un vol avec effraction au collège de Navarre, ce qui l’obligea à quitter de nouveau Paris.
   Il prétendit avoir écrit, au moment du vol, un poème célèbre, le Lais, également connu sous le nom de Petit Testament, pour s’en excuser et expliquer sa fuite par une raison sentimentale. Dans cette œuvre, en effet, Villon annonce son départ pour Angers afin, dit-il, de se consoler d’une déception amoureuse.
À la cour de Charles d’Orléans
   Durant les années suivantes, Villon mena une vie d’errance, dont on sait peu de chose; il séjourna, à Angers chez un parent, puis à la cour de Jean II de Bourbon, établie à Moulins, puis à la cour de Charles d’Orléans, à Blois, l’une des plus importantes du temps.
   Le séjour de Villon auprès du duc, qui marque un moment de paix dans cette existence incertaine, est attesté par la présence de trois de ses pièces dans le manuscrit autographe de Charles d’Orléans; parmi ces pièces se trouvent notamment la Ballade des contradictions
    À cette même époque, Villon entretint des rapports avec la bande des Coquillards, une société criminelle plus ou moins secrète : on ignore toujours s’il en faisait vraiment partie, mais il est certain qu’il connaissait le jargon de "la Coquille", puisqu'on posséde entre six et onze Ballades en jargon (le chiffre varie en raison des problèmes d’attribution), dont la compréhension reste difficile et la signification ambiguë.
   Le Testament
   Au cours de l’été 1461, Villon fut incarcéré à Meung-sur-Loire pour des raisons inconnues, à l’initiative de l’Évêque d’Orléans; cette captivité le marqua profondément. Libéré le 2 octobre grâce à l’arrivée de Louis XI dans la ville, il rentra à Paris, où il composa le Testament, son oeuvre la plus célèbre.
   La première partie de ce texte est une méditation consacrée essentiellement à la perte de la jeunesse, aux méfaits de l’amour mais surtout à la mort (cette partie contient la célèbre ballade désignée par Clément Marot en 1532 sous le titre de Ballade des dames du temps jadis). La seconde partie reprend, en l’approfondissant, la fiction testamentaire déjà abordée dans le Lais : Villon va jusqu’à choisir les exécuteurs, son sépulcre et le service religieux.
La Ballade des pendus
Impliqué dans une rixe au cours de laquelle François Ferrebouc, notaire pontifical, fut blessé, Villon fut arrêté, torturé et condamné à la pendaison, et fit appel de la sentence. C’est sans doute pendant ces jours pénibles qu’il écrivit la Ballade des pendus, intitulée aussi "l’Épitaphe Villon", où se manifeste notamment son obsession des corps pourrissants. Le 5 janvier 1463, le parlement de Paris commua la peine en dix ans de bannissement. Ce sont là les dernières traces des faits et gestes de François Villon que l'on possède.
Importance et postérité de l’œuvre
   La poésie de Villon est surtout marquée par une hantise profonde de la mort. Ce thème obsédant, que ne dissimule pas un usage fréquent de l’ironie, traverse toute son œuvre, où domine l’évocation des souffrances physiques et morales dans un monde désenchanté et sombre. En outre, lorsque Villon décrit la vie quotidienne, c’est souvent sur un ton réaliste ou pathétique.
   La postérité de Villon est immense et ne se dément pas depuis le XVIe siècle, où Clément Marot donna la première édition commentée de ses œuvres (1532); sa gloire doit aussi beaucoup à la fascination qu’il exerça sur les poètes du XIXe siècle.
JB JA JFC